«Fritillaire»
Bonjour
Chut! Pas de bruit! La tempête se serait-elle assoupie? N'allez pas nous la réveiller. Ce matin on a ouvert les volets avec précaution, en catimini même. On va pouvoir poursuivre les travaux d'élagage entamés, il y a une semaine. Hé oui! La tempête a soufflé pendant sept jours consécutifs. Il y a cinquante ans c'était deux jours et ces tempêtes d'hiver étaient moins nombreuses et surtout moins puissantes. On va pouvoir aller récupérer ce qui s'est envolé et changer sur les serres, les plaques de plastique qui ont été détériorées. Au catalogue des bulbes de printemps il est un bulbe qui n'aurait pas du tout apprécié toutes ces turbulences. Un bulbe juché sur une longue tige offrant une grande prise au vent. Un bulbe assez connu, mais très peu employé; c'est la fritillaire impériale. Cette liliacée est aussi appelée «Couronne Impériale». Du fait de sa grande hauteur et de sa magnifique floraison, elle fut couronnée impératrice des bulbes du printemps, par l'assentiment unanime des jardiniers. Sa couronne est composée d'un grand nombre de clochettes qui se déclinent du rouge vif au jaune le plus pur, en passant par toutes les nuances de l'orange. Cet arrangement floral s'appelle un verticille. Ce qui caractérise le plus ce bulbe, c'est son odeur. Une odeur très forte qui ferait fuir taupes et rongeurs. Une réputation non vérifiée scientifiquement, mais que les catalogues de fleurs lui attribuent largement, dans le seul souci de nous faire acheter cette couronne impériale. Impériale par son prix, qui ne laisse pas indifférent. On se contente souvent de l'acquisition d'un bulbe ou deux, en prenant le risque que sitôt fleurie, cette couronne impériale, ne reparaisse plus le printemps suivant. Dépité par ce demi-échec, on ne renouvelle que rarement l'emploi de cette magnifique inflorescence. Ce bulbe qui est très gros et aussi très fragile, craint beaucoup les terres lourdes et humides. Ce qui fait qu'il disparaît souvent au bout d'un an ou deux. J'en ai planté trois ou quatre fois, des jaunes et des rouges, qui ont fini par disparaître au bout de deux ou trois ans. J'en ai même un qui reparaît une fois tous les deux ou trois ans. Cette année au printemps, il s'est manifesté au milieu de mes tulipes et de mes narcisses. Mais son allure n'a plus rien d'impériale. Lui qui peut facilement atteindre plus d'un mètre, arrive à peine à surmonter les tulipes, ses voisines. Un empereur déchu, en quelque sorte. Un retour à la démocratie. Son odeur très caractéristique, embaume, pour ceux qui les ont connus, tous ces petits magasins de fleurs comme Clause, par exemple, où je me fournissais encore dans les années 70, les grandes surfaces du jardinage, n'ayant pas encore fait leur apparition dans notre voisinage. Des grandes surfaces qui n'offrent plus, aujourd'hui, que les parfums les plus envoûtants des nombreux végétaux qu'elles proposent. J'apprécie toujours les effluves les plus délicates des petits magasins fleuristes, pour ceux qui ont survécu évidemment, et aussi la fraîcheur de ces petites échoppes, ainsi que le doux gazouillement de l'eau qui s'écoule, si nécessaire à l'épanouissement de toutes ces fleurs, incomparablement plus belles les unes que les autres. Une fois de plus, il faut rappeler que ce bulbe est toxique. C'est peut être ce qui encourage nos rongeurs à changer de crèmerie. Va savoir!
Bonne journée
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